Grapefruit : le jeu vidéo

J’ai complété une maitrise en études des arts en 2009, Positions historiques de Fluxus projets et objets artistiques à travers quelques études de cas.

J’espérais revenir sur les évent scores de Fluxus, surtout ceux de Yoko Ono consignés dans deux livres d’instruction, Grapefruit et Acorn. Fred et moi avons donc commencer à imaginer un projet d’oeuvres interactives fondé sur les scores de Yoko Ono. Et, ce projet a finalement vu le jour, Grapefruit : The Video Game.

Ce qu’est un évent score? Voici un petit extrait de mon mémoire :

L’event lui, à titre de musique de l’esprit, tel que le décrira spontanément Antony Cox[1], vient du monde musical avec ses partitions (scores) d’où l’attention délibérée qui est accordée à en faire littéralement « une composition », tandis que la performance est le plus souvent (et encore aujourd’hui) un geste associé aux arts visuels. Une musique pour l’esprit donc, mais qui ne requiert pas de grandes mises en scène, tout juste un regard différent sur un geste.

(Seraiocco, 2010; p.83)

Mon carnet de création pour les images de Grapefruit

Plusieurs artistes associés à Fluxus entretenaient un lien particulier avec la galerie Le lieu et la revue Inter de la ville de Québec. Richard Martel qui a fondé ces organismes a aussi monté une riche archive des partitions et documents de Fluxus. C’est aussi par cette galerie, que j’ai rencontré Emmett Williams en 1999.

L’entretien complet est ligne. Dans nos conversations hors-d’ondes, Williams m’a raconté que Yoko Ono et son partenaire vivaient près de chez lui en Allemagne et que leurs domiciles étaient séparés par un petit pont. C’est ainsi que le choix de City Piece s’est imposé, comme son visuel inspiré des maisons du Nord de l’Europe. C’est une interprétation très libre de cette conversation, comme le sont aussi les autres partitions recrées sous forme d’expériences interactives. Fred et moi avons choisi les scores ou instructions qui figuerent ici. Nous avons chacun identifié des partitions qui nous parlaient, puis avons fait une mise en commun de nos choix. Nous avons ensuite convenu dans nos choix communs de retenir les quatre oeuvres qui sont adaptées dans le jeu.

L’orientation de notre création

Les oeuvres Blood Piece et Wall Piece for Orchestra sont performatives et véhiculent l’idée de l’art comme agent de destruction, d’une violence retournée contre soi, comme giclée vitale de sang frais dans un art sclérosé. C’est certainement sans l’avoir d’abord senti ce qui a retenu notre attention. Au final, sans en avoir discuté, en créant les autres pièces, une certaine violence, parfois contenue comme dans les flammes de Travel Piece, parfois sourde comme dans les crashs de City Piece, s’est installée.

Les “sky boxes” crayonnés ou peints reflètent, voire accentuent cette perception d’une esthétique de la destruction. Suivre des régles donc, jusqu’à la fin, sans penser à gagner, peut-être même avec un sourire en coin, celui du plaisir enfantin de briser des choses.

Quant au personnage de City Piece, dessiné au feutre, il est inspiré de Mr. Fluxus lui-même, George Maciunas.

Grapefruit: The Video Game, image tirée de Travel Piece.
Le décor, le skybox et le personnage ont été dessinés sur papier, avec crayons de couleurs, feutres et une touche d’acrylique.

[1] Raymond Ericson, An Event Is Not a Happening, New York, 21 mars 1965 : L’auteur rapporte que Anthony Cox (alors le conjoint de Yoko Ono) qui assistait Yoko Ono dans son concert a commencé en spécifiant que les « Events are music of the mind », soit la musique de l’esprit, pour expliquer que Yoko Ono, pour ne pas suivre le processus répétitif de John Cage, cherche à engager le public dans le processus créatif.

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