Deleuze et Guattari : Traité de nomadologie


Mille_PlateauxMille Plateaux (éd. de Minuit, 1980), est le second de deux volumes parus avec le sous-titre Capitalisme et Schizophrénie, écrits en collaboration par le philosophe Gilles Deleuze et le philosophe et psychanalyse Félix Guattari.

Dans le contexte de notre corpus de cours, sur le piratage et les activités illégales de copie ou d’usurpation de la propriété d’autrui, l’articulation par les États de leurs fonctions juridiques, de la violence, et les différents « appareils de capture » par lesquels ils profitent des activités de production au sein de leur structure étatique, est primordiale pour leur cerner le rapport de ces états à la question du piratage.

Si l’on croit toujours à la séparation des pouvoirs pour un état sain, ici, Deleuze et Guattari proposent une pareille division, postulant dans la machine de guerre que celle-ci est extérieure à l’appareil d’État. Ce qui semble faire sens, puisque pour fonctionner cette machine de guerre doit agir en-dehors du système, de façon à en préserver la bonne marche. Dans l’Appareil de capture nous explorons les différents modes de fonctionnement ou agencement du capitalisme et comment l’État déploie différents « appareils de capture », rente, impôt etc. pour réaliser son dessein d’accumulation.

L’appareil d’État est une strate dans un fonctionnement « Un-Deux » ou en distinctions binaires. La guerre toutefois se soustrait à cette logique. Deleuze et Guattari proposent deux scénario possibles pour l’État, « Ou bien l’État dispose d’une violence qui ne passe pas par la guerre : il emploie des policiers des geôliers plutôt que des guerriers et n’a pas d’armes et n’en a pas besoin (…) » (p. 435) , ce type d’état que nous pouvons présumer totalitaire, procédant par « capture magique » empêche tout combat. L’autre type d’État « externalise » pour ainsi dire la violence et acquiert une armée « mais qui présuppose une intégration juridique de la guerre et l’organisation d’une fonction militaire. » (p.435).

Pour exposer la nature des fonctions dans un État donné, ils emploient la métaphore des jeux de Go et d’Échec. Ainsi les échecs sont un jeu d’état et cour, avec des rôles et des pouvoirs déterminés, où les pièces ont des rapport d’internalité entres elles, alors que les pions de Go n’ont pas de rôles prédéterminés et ne peuvent avoir qu’une fonction d’externalité qui leur est attribuée selon la « tâche » ou le contexte que la stratégie du joueur impose. Le go est donc « pure stratégie » tandis que les échecs sont « une sémiologie » selon D et G (p. 437). Ces distinctions sont très importantes pour comprendre la notion fondamentales chez D et G qui oppose l’espace « lisse » du go à celui, « strié », des échecs. Le strié, c’est donc l’espace codé à l’avance, que l’on doit décoder pour déterritorialiser l’ennemi et ainsi l’expulser de son « territoire ». Tandis que le lisse, c’est l’espace non-balisé, qui peut s’adapter à mesure aux changements des joueurs.

En lisant cette définition, je n’ai pu m’empêcher de comparer l’espace « lisse » à ce que le Web est ou peut représenter comme territoire, au départ peu balisé, sur lequel des points d’ancrage (les sites) se sont installés, cela en opposition avec un espace « strié », comme Facebook, qui est dans sa structure même une « sémiologie à décoder » pour l’utilisateur et à charger d’encore plus de sens par sa participation.

Qui, dans un combat pour un territoire, s’appropriera la machine de guerre ? L’État qui « la subordonne à des buts « politiques », et lui donne pour objet direct la guerre. » (p. 524). La notion de guerre totale, qui mobilise toutes les ressources humaines et financières d’un État devient en soi liée au capitalisme, donc au système qui s’y rapporte.

Ce concept, dans un cours sur le piratage, ne peut que nous rappeler les guerres que déclarent, par exemple, les États-Unis, aux drogues (War on Drugs), puis au terrorisme (War against Terrorism) et de façon moins médiatisée, au piratage des œuvres musicales et cinématographiques appartenant à des « majors », ces guerres visant le plus souvent des économies sous-terraines qui se dérobent ou mettent au défi les appareils de capture de l’État.

Deleuze, G. and Guattari F. (1980/1987). Mille Plateaux. Chapitre 12. 1227 – Traité de nomadologie : la machine de guerre & 13. 7 000 av. J.-C. – Appareil de capture. Éditions de Minuit, Paris.

Glossaire de Deleuze (PDF)
Le vocabulaire de Deleuze et Guattari, Paris8philo

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